Lorsque vous vous retournez sur les dix années d’existence de Swisspower Renewables SA, quels sont les événements et les expériences qui vous ont laissé les souvenirs les plus marquants ?
Felix Meier : J’ai gardé un souvenir vivace d’une expérience particulière peu avant Noël 2013. Notre COO Lars Hieke et moi-même avions alors pu conclure deux transactions quasiment en même temps. La signature de la première à Francfort a commencé à 15h et fini à 3h du matin. Dès 8h, notre avion s’envolait pour Berlin, où avait lieu la signature pour la deuxième transaction. En un temps record, nous avons ainsi acté des projets d’un volume d’environ 230 millions d’euros – une étape majeure pour notre jeune entreprise.
Comment s’est développé Swisspower Renewables SA au fil des dix dernières années ?
L’entreprise est passée d’un à 60 collaborateurs·rices et de zéro à 650 gigawattheures de production annuelle. Nous avons fait l’acquisition d’environ 125 turbines éoliennes et 40 centrales hydroélectriques. Entretemps, nous avons internalisé de nombreux aspects de leur fonctionnement. Nous exploitons nous-mêmes environ les deux tiers des centrales hydroélectriques, assurant leur maintenance et leur entretien. Aujourd’hui, nous sommes donc un investisseur industriel. Cela nous différencie d’autres acteurs du marché qui mettent principalement de l’argent sur la table et attendent qu’il leur revienne avec dividende. Ces dix années passées, nous avons par ailleurs procédé à une optimisation et une consolidation continues. Avec chaque transaction, nous avons repris des installations individuelles, des financements spécifiques et parfois aussi des collaborateurs·rices. Nous sommes parvenus à en harmoniser une bonne partie. À plusieurs reprises, nous avons pu regrouper des financements et procéder à un refinancement. Nous avons ainsi considérablement augmenté notre efficience.
Avez-vous atteint les objectifs fixés lors de la création de l’entreprise ?
En matière de volume de production, l’objectif est atteint à plus de 90%. Nous avons investi la totalité des moyens dont nous disposions. Le rendement dépend naturellement fortement des conditions météorologiques et commerciales. Mais là aussi, suivant la plus récente analyse de rentabilisation, nous sommes sur la bonne voie. Dans l’ensemble, nous avons donc atteint les objectifs fixés.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Le Conseil d’administration a décidé de procéder à deux changements importants. Premièrement, outre l’éolien et l’hydraulique, nous misons désormais sur une troisième technologie, la photovoltaïque. C’est une grande décision pour nous, car nous allons devoir nous familiariser avec le marché de l’énergie solaire. Nous nous réjouissons de relever ce défi. Deuxièmement, nous pouvons désormais développer nos propres projets et ne sommes plus limités à la reprise de projets déjà prêts à être réalisés ou en exploitation. Nous sommes en train de mettre en place l’organisation et les compétences nécessaires, surtout pour la technologie supplémentaire que constitue désormais la photovoltaïque. Cela nous donne une forte impulsion pour les dix années à venir.
Où allez-vous investir dans le domaine de la photovoltaïque ?
Jusqu’à présent, notre stratégie était celle d’un «2+2» : deux pays et deux technologies. Nous conservons les deux pays – l’Allemagne et l’Italie. En effet, la recherche d’opportunités dans d’autres pays impliquerait des ressources importantes en termes de temps et d’argent, et surtout des capacités de gestion dont nous ne disposons pas. En revanche, nous sommes entretemps parfaitement familiers de l’Allemagne et de l’Italie : nous y disposons d’un solide réseau et pouvons y agir vite. C’est pourquoi notre nouvelle stratégie se nomme «2+3». Les trois technologies forment une combinaison idéale : lorsque le soleil brille, nous produisons de grandes quantités de courant solaire. S’il pleut longtemps, nos centrales hydroélectriques tournent à plein régime. Et par temps changeant, généralement le vent souffle – ce qui est bon pour nos éoliennes.
Pourquoi reste-t-il plus simple d’investir dans les énergies renouvelables à l’étranger qu’en Suisse ?
La politique suisse parle depuis des années de développer les énergies renouvelables, de faciliter le développement de projets, de limiter les droits d’opposition. Mais malheureusement, ces paroles restent lettre morte. Aujourd’hui, nous en sommes encore là où nos pays voisins en étaient il y a 20 à 30 ans. À l’époque, eux aussi parlaient de changements, mais eux les ont mis en œuvre. Tant que les conditions cadre en Suisse n’évoluent pas en profondeur, il n’y aura quasiment pas de nouveaux projets et aucun marché ne se formera. Les obstacles sont trop nombreux. Nous avons déjà plusieurs fois étudié des propositions en Suisse. Mais les rares projets qui se réalisent attirent immédiatement l’attention de tous les acteurs du marché. Le prix explose et il devient impossible d’obtenir un rendement raisonnable.
Que signifient pour votre entreprise les cours actuellement élevés de l’électricité ?
En l’espace d’une année, les prix du marché au comptant et en partie aussi du marché à terme ont été démultipliés. La volatilité et la nervosité sont très élevées dans le marché. Par moments, les prix suisses sont entretemps plus élevés qu’en Italie. Ceux qui disposent de leurs propres installations de production à l’étranger pourraient bientôt envisager d’importer de l’électricité dans le pays à prix forts qu’est la Suisse. Cette option est intéressante non seulement financièrement mais aussi physiquement. Avec notre stratégie, nous sommes donc exactement sur la bonne voie. Cette phase de prix élevés n’est pas qu’une bénédiction. Pour certaines entreprises, elle constitue un problème de taille. Mais pour nous, avec notre position naturellement longue, elle offre un avantage.