Une initiative sectorielle pour les profils en reconversion professionnelle :
« Il ne suffit pas de vanter la transition énergétique »

Avec votre initiative sectorielle, vous vous êtes mis en quête de bras supplémentaires pour la transition énergétique. Qu’en est-il de vos propres talents en la matière ?

Leon Trippel : Mon père est menuisier de formation. J’ai moi-même passé quatre ans à aider à rénover une maison, ce qui équivaut presque à une formation artisanale de base (il rit). Je serais probablement capable de monter une installation solaire. Mais je préfère rester à distance de l’armoire du compteur …

Comment fonctionne votre initiative « Ohne Hände keine Wende (Pas de transition sans main-d’œuvre) » ?

Elle a été lancée pour faire face à la pénurie de personnel qualifié dans le secteur de la technique du bâtiment – en particulier concernant le montage d’installations solaires et de pompes à chaleur. Nous nous sommes fixé pour mission de faire accéder au secteur des profils en reconversion professionnelle, c’est-à-dire des personnes qui ne peuvent ou ne souhaitent plus travailler dans leur métier d’origine. Ce groupe représente un potentiel immense. Afin de le valoriser, nous incitons les entreprises artisanales à une division du travail plus poussée dans leurs équipes d’installation. Dans un premier temps, les personnes en reconversion n’exécutent que des tâches faciles. Grâce à notre programme de formation modulaire, elles peuvent être déployées de manière toujours plus large et accèdent pas à pas à une qualification professionnelle. C’est un aspect essentiel de notre approche : nous visons la qualification professionnelle.

Pourquoi vous concentrer sur le montage d’installations photovoltaïques et de pompes à chaleur ?

C’est lié à l’histoire de notre initiative : nous l’avons lancée début 2023 afin de mettre en œuvre les mesures de l’alliance « Allianz für Transformation » établie par la Chancellerie fédérale. Il existait à l’époque un besoin important de personnel pour assurer le montage d’installations photovoltaïques et de pompes à chaleur. La guerre en Ukraine avait déclenché l’envie d’un approvisionnement énergétique plus autonome – et ainsi une forte hausse de la demande pour ce type d’installations.

Comment avez-vous procédé dans la mise en œuvre de l’initiative ?

En collaboration avec nos partenaires des mondes de l’artisanat, de l’industrie et de l’approvisionnement en énergie, nous avons tout d’abord développé une nouvelle formation pour les profils en reconversion professionnelle. Nous avons bénéficié du soutien de la Bertelsmann Stiftung et du Bildungsverband, et nous avons impliqué dans le processus les associations professionnelles pour les énergies renouvelables, les chambres des métiers et les corporations. En début d’année, nous avons nous-mêmes accédé au statut d’organisme de formation. Nous sommes actuellement en train de mettre en place des centres de formation et des programmes de formation de formateurs·rices (« train-the-trainer ») – toujours en étroite collaboration avec les associations professionnelles.

Comment vous financez-vous ?

Dans notre première année en tant qu’initiative, nous nous sommes financés exclusivement grâce aux contributions de nos partenaires. À plus long terme, notre nouvelle activité en tant qu’organisme de formation doit pouvoir se financer de manière autonome. Les candidat·e·s règleront les formations que nous dispenserons au moyen de chèques-formation remis par les agences et les centres pour l’emploi. En Allemagne, c’est ainsi qu’est soutenue la formation des personnes âgées de plus de 25 ans jusqu’à obtention d’une qualification professionnelle. Nous sommes actuellement également en train d’acquérir des aides pour la mise en place des centres de formation et de solliciter des fonds de projet au niveau européen.

À votre avis, un tel programme est-il concevable pour le secteur de l’énergie – par exemple pour former les collaborateurs·rices dont nous avons si urgemment besoin dans le domaine des réseaux ?

Oui. Pour les installations solaires et les pompes à chaleur, nous avons examiné le processus d’installation et nous nous sommes demandé quelles étaient les tâches qui ne pouvaient être exécutées que par des professionnel·le·s aguerri·e·s et quelles tâches restantes pouvaient aussi être exécutées par exemple par des apprenti·e·s ? Cette dernière partie représente jusqu’à 90 % des tâches pour les installations photovoltaïques et environ 70 % des tâches pour les pompes à chaleur. Je suis certain que cette approche peut être appliquée à de nombreux processus dans le domaine des réseaux.

Votre initiative sectorielle a été lancée début 2023. Où en est-elle aujourd’hui ?

Au premier semestre 2023, nous avons fourni un important travail de mise en place. Les qualifications auraient dû débuter au deuxième semestre. Mais c’est à ce moment que la dynamique des installations solaires et des pompes à chaleur en Allemagne s’est essoufflée. Tout à coup, les entreprises se sont retrouvées avec un nombre de collaborateurs·rices plutôt trop élevé qu’insuffisant. Nous avons donc repoussé le lancement de nos programmes et mis le temps à profit pour préparer encore mieux nos formateurs·rices et nos infrastructures. Nous serons ainsi fin prêts lorsque la demande de profils en reconversion professionnelle repartira à la hausse. Nous menons actuellement de nombreux entretiens avec les entreprises pour la stimuler.

Existe-t-il des programmes comparables dans les pays voisins, par exemple en Autriche ou en France ?

Je n’ai pas connaissance d’un tel programme en Autriche. En France, je connais une startup qui qualifie déjà des personnes en reconversion professionnelle pour le secteur de la technique du bâtiment. Contrairement à chez nous, le timing s’est avéré plus favorable pour ce projet. Il se distingue cependant de notre initiative en deux points essentiels : premièrement, les formations ne visent pas nécessairement la qualification professionnelle. Et deuxièmement, les entreprises d’artisanat doivent payer les formations – ce que la plupart ne peuvent pas se permettre.

Que recommandez-vous aux services industriels suisses qui souhaiteraient également miser de manière renforcée sur des personnes en reconversion professionnelle ?

Pour attirer et convaincre les personnes en reconversion professionnelle, il faut aller au-delà de belles campagnes promotionnelles. Il ne suffit pas de vanter la transition énergétique et ses missions porteuses de sens. Les personnes concernées veulent savoir quelles perspectives s’ouvrent à elles si elles s’engagent sur cette voie. Les services industriels devraient donc commencer par se poser des questions d’ordre conceptuel : quels sont les profils d’emploi que nous recherchons et quelles tâches sont adaptées à des personnes en reconversion professionnelle ? Quels groupes cible souhaitons-nous viser et à quelles qualifications faisons-nous accéder ces personnes ? La communication à l’externe ne devrait être lancée qu’une fois que tous ces points sont clairs.

Le 24 mai, vous interviendrez au Congrès des services industriels consacré au sujet Ville+. De quoi allez-vous y parler ?

Je vais expliquer notre approche, présenter des solutions concrètes et indiquer des possibilités de collaboration. Car la lutte contre la pénurie de personnel qualifié dans le secteur de l’énergie appelle à la coopération : entre services industriels, mais aussi avec les municipalités.