«Nous devons encourager de manière ciblée la production d’électricité hivernale»

À chaque événement et réunion du secteur de l’énergie, un message central revient : la Suisse a besoin d’une offensive pour la production d’électricité renouvelable indigène. Philipp Mäder, directeur des affaires publiques de Swisspower, explique les décisions prises à ce propos par le Parlement lors de la session d’automne et les sujets qui restent à traiter par la politique.

Dans sa session d’automne, le Parlement a adopté l’initiative parlementaire (iv. pa.) Bastien Girod. Quelle est la signification de cette décision ?

Philipp Mäder: Elle crée une sécurité des investissements pour la production d’énergie renouvelable et évite une lacune dans l’encouragement des énergies renouvelables. Dans la loi sur l’énergie aujourd’hui en vigueur, le Parlement a limité l’encouragement des renouvelables à fin 2022. Entre-temps, il est apparu que nous devons développer les capacités de production nettement plus vite que nous ne l’avons fait jusqu’à présent. Cela veut dire que nous avons encore besoin d’aides et que nous avons aussi besoin de meilleures incitations. Les moyens financiers disponibles n’ont pas été augmentés, mais l’encouragement doit devenir plus efficient avec des contributions à l’investissement entre 40% et 60% pour toutes les technologies.

D’autres éléments de l’initiative parlementaire sont-ils importants pour les services industriels ?

Tous les fournisseurs disposant de leur propre production pourront continuer à facturer leurs coûts de revient dans l’approvisionnement de base. Cela aussi crée des incitations à investir. Nous sommes moins satisfaits de la prolongation jusqu’en 2030 du régime rigide de la redevance hydraulique. Le problème n’est actuellement pas vraiment aigu. Mais la situation deviendra problématique si les prix de l’électricité baissent à nouveau, car les redevances hydrauliques ne sont pas couplées à l’évolution du marché.

En été, le Conseil fédéral a adopté l’acte modificateur unique pour la révision des lois sur l’énergie et sur l'approvisionnement en électricité. Cette révision est-elle désormais encore nécessaire ?

Oui, car l’iv. pa. Girod fait abstraction de thématiques importantes qui sont couvertes dans l’acte modificateur unique. Il s’agit d’une part de l’encouragement ciblé de la production d’électricité hivernale : les installations qui produisent beaucoup d’électricité en hiver doivent percevoir des subventions particulières. De concert avec d’autres acteurs, nous avions fait la proposition d’une telle disposition dans l’iv. pa. Girod, mais malheureusement le Conseil national l’avait supprimée. D’autre part, nous devons nettement progresser en matière d’efficience énergétique. Il faut absolument agir, par exemple en ce qui concerne le remplacement de chauffages à résistance électrique. Mais pour avancer, il faut des programmes d’encouragement ciblés et des moyens supplémentaires.

À vos yeux, les mesures prévues suffisent-elles à assurer la sécurité de l’approvisionnement, surtout pendant les mois d’hiver ?

Non, d’autant plus que l’accord sur l’électricité avec l’UE est reporté à un avenir lointain et que personne ne sait combien d’électricité nous pourrons encore importer. La constitution prévue d’une réserve stratégique est une bonne approche : l’ElCom est chargée d’assurer des réserves pour la production d’électricité pendant les mois d’hiver, par exemple en retenant de l’eau dans les lacs de barrage en vue d’éventuelles difficultés d'approvisionnement tout en dédommageant l’exploitant. Il existe déjà de telles réserves pour le pétrole, les céréales et d’autres produits. Mais il faut aller plus loin et construire de manière ciblée des installations qui produisent plus d’électricité en hiver. Dans une première phase, le Conseil fédéral mise pour cela exclusivement sur l’énergie hydraulique, mais c’est précisément dans ce domaine qu’il est difficile de réaliser de nouveaux projets. En revanche, les installations photovoltaïques alpines sont prometteuses, c’est pourquoi nous réclamons depuis le début un encouragement de l’électricité hivernale neutre en termes technologiques. Nous souhaitons également interroger une nouvelle fois le mandat d’évaluation de sites d’implantation possibles de grandes centrales à gaz que le Conseil fédéral a confié à l’Elcom. À nos yeux, il est plus judicieux de miser sur des installations de cogénération plus petites et décentralisées, qui permettent aussi de valoriser la chaleur.

Pour les services industriels, quelles seraient les retombées d’un encouragement renforcé de l’efficience énergétique ?

Nous avons parmi notre cercle d’actionnaires un service industriel qui s’y connaît très bien en matière d’efficience énergétique : les SIG opèrent dans le cadre d’«éco21» des programmes à large orientation qui s’adressent à des groupes cibles très variés (PME, gestionnaires immobiliers, consommateurs·rices finaux·ales). Nous aimerions contribuer à diffuser l’expertise des SIG à l’échelle du territoire suisse, mais pour cela il nous faut des moyens financiers.

«Plus d'efforts pour l'efficience énergétique : quelles sont les meilleures approches?»


Notre engagement conjoint avec les Services Industriels de Genève : l'événement en ligne gratuit du 29 novembre 2021.

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Le Conseil fédéral a regroupé l’encouragement des énergies renouvelables et la libéralisation du marché de l’électricité dans un projet. Qu’en pensez-vous ?

Le rejet de la loi sur le CO2 en juin a montré à tous les acteurs que les projets trop denses ont du mal à passer aux urnes. Swisspower considère donc qu’un échelonnement de l’acte modificateur unique serait plus susceptible de réunir une majorité en vue d’une probable votation référendaire. Nous sommes donc d’avis de ne décider de la libéralisation complète du marché de l’électricité que dans un deuxième temps.

Quel est le calendrier pour l’acte modificateur unique ?

La commission du Conseil des États en traitera cet automne. Le projet sera soumis au Conseil des États au plus tôt lors de la session d’hiver.