« Nous donnons à voir des visages et racontons des histoires »

La pénurie de personnel qualifié figure actuellement parmi les principales préoccupations des entreprises énergétiques. Afin de faire face à cette situation de manière collective, plusieurs services industriels Swisspower ont initié une coopération pour renforcer leur marque employeur (employer branding). Nous en avons discuté avec Fiona Hasler, responsable du projet chez Swisspower.

Quelle est actuellement l’ampleur de la pénurie de personnel qualifié chez les services industriels Swisspower ?

Fiona Hasler : Cette pénurie se manifeste surtout dans certains corps de métier de technicien·ne·s et d’artisan·e·s. De nombreux services industriels sont ainsi à la recherche d’électricien·ne·s de réseau. Ces offres d’emploi ne donnent souvent lieu qu’à très peu de candidatures. Il n’y a en revanche aucune difficulté à pourvoir les postes vacants dans le domaine administratif. Ces différences apparaissent déjà pour les places d’apprentissage. Même si les services industriels parviennent généralement à toutes les pourvoir, cela met souvent plus de temps pour celles des électricien·ne·s de réseau.


Cette situation va-t-elle encore s’aggraver ?

Plusieurs éléments sembleraient indiquer que oui. Lors du lancement de notre projet de marque employeur en 2023, nous avons demandé aux services industriels de nous nommer leurs principaux « points de douleur » dans ce domaine. Parmi les réponses figurait l’évolution démographique : dans les années à venir, de nombreux spécialistes et technicien·ne·s expérimenté·e·s vont partir à la retraite. Cela entraînera la perte de beaucoup d’expertise et de savoir-faire, et les services industriels devront pourvoir plus de postes qu’auparavant. Ils craignent que la relève s’avère insuffisante.


De quelle manière la transformation du système énergétique impacte-t-elle la pénurie de personnel qualifié ?

La demande de spécialistes et de technicien·ne·s va encore augmenter, par exemple dans le domaine des énergies renouvelables. Les chiffres du secteur indiquent qu’il n’y a actuellement tout simplement pas assez de personnel pour atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables.


Faut-il lancer une offensive de formation ?

Certains services industriels forment aujourd’hui déjà un nombre d’apprenti·e·s très élevé par rapport à leur taille, apportant ainsi une importante contribution au secteur. Mais toutes les entreprises n’en ont pas les moyens ou la possibilité. Car la formation sérieuse d’apprenti·e·s accapare beaucoup de temps de travail. Et ce n’est souvent pas l’entreprise elle-même qui bénéficie de cet investissement – une fois leur apprentissage terminé, les jeunes professionnel·le·s peuvent souhaiter élargir leur palette d’expériences ou sont débauché·e·s par la concurrence.


Vous évoquez les conditions d’embauche. Les services industriels sont-ils désavantagés par rapport aux grandes entreprises énergétiques ou aux entreprises de secteurs apparentés qui cherchent à séduire les mêmes technicien·ne·s et
spécialistes ?

Cela dépend du degré auquel ils sont liés par les conditions d’embauche municipales y compris la grille salariale. La plupart des services industriels ont moins de latitude que les entreprises de droit privé pour proposer aux candidat·e·s particulièrement intéressant·e·s un package attrayant. Par rapport aux grandes entreprises énergétiques, c’est un autre désavantage qui pèse encore plus lourd, à savoir les perspectives de carrière plus faibles au sein de l’entreprise. Dans un service industriel comptant 100 collaborateurs·rices, les postes de cadre sont inévitablement moins nombreux.


Quelles priorités a fixées la coopération des services industriels Swisspower pour renforcer la marque employeur ?

Une première priorité porte sur la notoriété et le positionnement de la marque des services industriels. Car nous avons constaté que de nombreux travailleurs·ses ne savent même pas ce qu’est un service industriel, quelles sont ses activités et quelles différentes professions il englobe. Avec une campagne lancée à l’échelle du territoire suisse, nous voulons montrer à la population tout l’intérêt que présentent les entreprises énergétiques en tant qu’employeur. Elles offrent des emplois porteurs d’avenir et de sens. Celles et ceux qui travaillent pour un service industriel s’engagent pour un approvisionnement énergétique fiable et durable.


Comment comptez-vous faire passer ces messages ?

En donnant à voir des visages et en racontant des histoires. Dans des vidéos, des collaborateurs·rices de services industriels parleront de leur travail et raconteront pourquoi ce qu’ils y font leur plaît.


Le positionnement de marque en tant qu’employeur est une affaire individuelle. Les services industriels peuvent-ils vraiment exploiter des synergies avec leur collaboration en matière de marque employeur ?

Oui. Car notre campagne nationale a pour objectif que les travailleurs·ses pensent aux services industriels en tant qu’employeurs potentiels et, dans le meilleur des cas, en aient une bonne image. Ensuite, il incombe à chaque service industriel individuel de se positionner au niveau régional – de donner à la marque employeur « service industriel » un visage régional.


Comment allez-vous soutenir les services industriels impliqués dans cette coopération ?

Nous proposerons une documentation pour les réunions d’information dans les écoles ou des formats d’événement standardisés. Les événements sont un instrument efficace pour atteindre un groupe cible jeune. C’est ce qu’a montré le Summer Camp que nous avons organisé l’année dernière sur plusieurs jours, qui s’adressait à des étudiant·e·s de hautes écoles spécialisées et d’universités. Au moyen de différentes visites effectuées directement chez certains services industriels, nous avons pu établir des passerelles entre la théorie et la pratique. Nous allons élaborer d’autres formats pour soutenir les services industriels dans leurs activités régionales. Il est prévu que la coopération dure plusieurs années, car comme tout autre développement de marque, l’établissement d’une marque employeur met un certain temps.


Quels sont les autres grands axes de votre coopération ?

D’une part, nous visons un groupe cible très jeune pour lui présenter les métiers du secteur de l’énergie – en passant par exemple par TikTok. Nous atteignons ainsi les élèves sur le point de se mettre en quête de places d’apprentissage. D’autre part, nous allons proposer des formations de base en guise de passerelles pour les travailleurs·ses venant d’autres secteurs. Dans le cadre de l’accueil de nouveaux collaborateurs·rices, ces cours ont pour objectif de transmettre des connaissances élémentaires concernant l’approvisionnement en énergie, le secteur de l’énergie et la politique énergétique. Les nouveaux collaborateurs·rices prennent ainsi un départ positif dans leur nouveau secteur, se sentent mieux préparés à leur activité et ont tout de suite la possibilité d’établir des liens avec des collègues.


Quelle importance revêt l’échange d’expériences pour votre coopération ?

Ces échanges sont très importants. Les responsables RH des services industriels impliqués échangent régulièrement entre eux. Un dispositif similaire pour les responsables de la communication a rencontré un écho très favorable et montré toute l’importance de la mise en réseau. Même si les services industriels diffèrent en termes de taille, les défis et les questionnements auxquels ils font face dans le domaine des ressources humaines sont largement les mêmes. Nous leur proposons une plateforme où en discuter et bénéficier des expériences d’autres services industriels.

Les mesures de renforcement de la marque employeur servent trois objectifs de l’Agenda 2030

Le renforcement systématique de la marque employeur va aussi dans le sens d’un développement durable. Car les mesures mises en place dans des domaines tels la formation continue, l’égalité de traitement, l’inclusion et la qualité de l’emploi favorisent trois des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 :

  • ODD 4 : Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie
  • ODD 5 : Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles
  • ODD 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous

Les 17 objectifs de développement durable (ODD) et leurs 169 sous-objectifs forment la clé de voûte de l’Agenda 2030. Ils doivent être atteints dans leur globalité par tous les États membres de l’ONU d’ici 2030. En savoir plus