L’importance systémique du système énergétique
Nous avons toutes et tous réalisé au plus tard l’hiver dernier que le secteur de l’énergie présentait une importance systémique. La pénurie d’électricité et ses diverses répercussions ont esquissé des scénarios finaux peu réjouissants. En même temps, le changement climatique nous met face à des défis de taille. Dans les années à venir, l’approvisionnement en énergie de la Suisse doit devenir non seulement plus sûr, mais aussi plus indépendant et plus renouvelable. Pour les services industriels, il s’agit là non seulement d’un défi mais aussi d’une immense opportunité ; leur savoir-faire spécialisé est indispensable à la transformation du système énergétique.
Afin de pouvoir continuer à assurer leur mission, les services industriels ont besoin de collaboratrices et de collaborateurs de talent. Hors il est actuellement difficile d’en trouver. La pénurie de spécialistes qualifiés frappe le plus fortement les entreprises d’approvisionnement en énergie (EAE) de petite et de moyenne taille, mais les grandes EAE sont elles aussi soumises à une pression croissante. Alors même que la recherche d’apprenti·e·s et de spécialistes qualifié·e·s se complique, le départ à la retraite s’annonce pour la génération des babyboomers, et avec lui la perte de leur vivier de connaissances pour le secteur. Comment pallier à ces difficultés ?
Ce septembre, Swisspower a pour la première fois organisé le Summercamp Swisspower. L’objectif était de montrer à de jeunes personnes intéressées à quel point le travail dans le secteur de l’énergie en général – et dans nos services industriels en particulier – est divers, passionnant et important. Trois jours durant, nous avons pu présenter à des étudiant·e·s issus de différentes filières d’études en provenance de toute la Suisse les perspectives d’avenir qu’offrent les services industriels. Afin de ne pas nous perdre dans les méandres du secteur de l’énergie, nous avons décidé de nous concentrer sur la thématique du chauffage à distance.
Stratégies thermiques et production d’énergie renouvelable
Les bâtiments consomment actuellement 40 % de l’énergie en Suisse, la plus grande part en revenant à la consommation de chaleur. La transformation du réseau thermique offre un levier très efficace pour réduire les émissions. En guise d’introduction au sujet, le premier jour Hans-Kaspar Scherrer, CEO de Eniwa, a présenté la stratégie thermique de la ville d’Aarau. Eniwa s’est fixé pour objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre à zéro émission nette d’ici 2050. Le réseau de chauffage à distance fait donc l’objet d’un développement continu. Afin d’illustrer ces considérations théoriques, l’après-midi a été consacré à une visite de la centrale énergétique Kasinopark. Cette centrale est la plus ancienne de la ville et fournit de l’énergie renouvelable depuis 2014. Cette journée à Aarau a livré de premiers aperçus passionnants de perspectives d’avenir possibles en matière d’approvisionnement en chaleur.
Le soir, le groupe réuni par Swisspower s’est rendu à Winterthur afin d’être fin prêt pour le programme du lendemain.
Utilisation efficiente du chauffage à distance et valorisation des déchets
La deuxième journée a commencé avec de délicieux petits gâteaux dégustés dans l’usine de valorisation des ordures ménagères (UVOM) de Stadtwerk Winterthur. Après une présentation de la manière dont les rejets thermiques de l’UVOM sont utilisés à des fins de chauffage à distance, nous avons procédé à une visite détaillée du site. De nombreuses questions et discussions ont permis aux participant·e·s de pleinement profiter des connaissances des expert·e·s présents. Ils ont appris qu’en Suisse, les ordures ménagères étaient souvent éliminées sans valorisation énergétique ; une fois les déchets collectés, la plupart des gens n’y pensent plus et n’ont pas conscience qu’il s’agit d’une importante source de chaleur.
L’après-midi a été consacré à la visite d’une station de chauffage de quartier avec centrale à bois. Les spécialistes du service industriel ont souligné la manière dont les différentes énergies renouvelables de production locale se complètent. Si l’énergie de l’UVOM ne suffit pas, la centrale à bois prend la relève. À Winterthur, celle-ci ne brûle que du bois de la région. La chaudière peut brûler chaque jour jusqu’à 60 m3 de bois, afin de couvrir les pics de charge de la zone d’approvisionnement en hiver. Un gigantesque réservoir d’eau est par ailleurs disponible à des fins de stockage en guise de réserve supplémentaire.
Les étudiant·e·s se sont montrés fascinés par la manière dont les différents éléments du réseau de chauffage se complètent et dont des ressources locales (déchets et bois) sont utilisées pour chauffer les quartiers environnants. Malgré cette organisation en circuit très efficace, tant les centrales à bois que les UVOM génèrent des déchets qui subsistent et sont mis en décharge. Le groupe du Summercamp a été mis sur la route de Bâle avec un appel à produire aussi peu de déchets que possible et à les trier au mieux. À Bâle, le groupe a partagé un délicieux dîner dans une ancienne station de traitement des eaux et fini cette journée intense autour d’une bière dans le bâtiment historique de la Markthalle.
Avoir une vision et la mettre en œuvre
À Bâle, le groupe Swisspower a été accueilli à l’impressionnant siège de IWB. Les participant·e·s ont été impressionnés tant par la fontaine qui y orne l’espace de réception que par les objectifs ambitieux du fournisseur d’énergie bâlois, visant à décarboner entièrement le réseau de chauffage urbain d’ici 2035. À la question de savoir si cet objectif majeur était vraiment réalisable, les responsables de IWB ont hoché la tête en souriant : « Il faut simplement commencer ». La conversion du système énergétique bâlois aux renouvelables est lancée et elle est planifiée mètre par mètre de conduite de chauffage à distance.
Le groupe Swisspower est ensuite parti sur les traces du chauffage à distance et a découvert la ville sous un tout autre aspect. Nous avons commencé à la centrale de stockage Dolder, dont la capacité de 100 MW permet de stocker de l’énergie et d’amortir les pics de charge. Ensuite, le groupe a suivi les canalisations jusqu’à 20 mètres de profondeur afin de passer sous le Rhin par le fameux tunnel « Rheindüker ». Après la visite d’une station de transfert souterraine dans le nouveau quartier en développement Volta Nord, nous avons suivi un autre tunnel de canalisations pour nous rendre à l’UVOM de Bâle. « Tout finit en déchet – le plus tard le mieux », y est-il inscrit au mur, résumant une dernière fois parfaitement tout ce que nous avons appris au fil de ces trois jours à propos d’une utilisation circulaire et durable des ressources.
Un apéritif généreux a offert une dernière occasion de se renseigner plus précisément sur la transition énergétique et les possibilités de carrière chez IWB dans un cadre personnel et convivial.
Les villes, moteurs de la transition énergétique
Au fil de ces trois jours, les participant·e·s ont pris conscience du travail de pionnier que fournissent les services industriels et de la manière dont ils gardent toujours en ligne de mire leurs visions d’avenir, les planifient et les réalisent étape par étape, et coordonnent soigneusement tous les éléments du système.
À la fin, une participante étudiante en Energy Environment System Engineeringà la HSLU a résumé le Summercamp de manière qui nous semble très juste : « Le Summercamp m’a vraiment motivée pour le semestre à venir. Il m’a montré une fois de plus pourquoi j’étudiais et quelles applications pratiques pouvait avoir toute cette théorie. Ces trois journées ont été formidables ! ». Les services industriels offrent des perspectives d’avenir prometteuses, tant comme lieux de travail potentiels pour les étudiant·e·s et les apprenti·e·s que pour la population suisse dans son ensemble. Ils constituent des moteurs importants en voie vers une Suisse écologiquement durable et porteuse d’avenir.